Pierre Mothes
Vice-Président de Sotheby’s France

Gestion Patrimoine

Décryptage

Société Civile immobilière :
un succès qui ne se dément pas

Faire appel à une société civile pour détenir son patrimoine privé est une constante pour de nombreux investisseurs. Il existe, en effet, plus d’un million de sociétés civiles en France ; ce succès peut s’expliquer par la grande liberté juridique offerte par cet outil ainsi que par la possibilité de choisir son régime fiscal. Cependant, force est de constater que si de nombreuses personnes détiennent ainsi leur patrimoine immobilier, ils ne savent pas toujours précisément pourquoi ils ont fait ce choix. Retour sur les principaux avantages et inconvénients de la société civile.

Avant toute chose, il convient de préciser que la société civile peut également être utile lorsque vous détenez un portefeuille de valeurs mobilières (actions, obligations, OPCVM…). En général, les actifs financiers sont détenus par l’intermédiaire d’enveloppes fiscalement privilégiées (assurance vie, PEA, PER).

La gestion indirecte est donc marginale ; la société civile de portefeuille (SCP) comme outil de gestion des avoirs financiers reste encore très confidentielle. Cependant, cet instrument peut se révéler fructueux dans une stratégie d’optimisation de la transmission (donation ou succession).

Avantages de la société civile

Havre de liberté contractuelle, son fonctionnement est marqué par la flexibilité et la souplesse : pas de minimum de capital, elle est ouverte à toute personne, les conditions de nomination et de révocation du gérant sont fixées par les statuts. Elle autorise une dissociation de la propriété des parts sociales du pouvoir de gestion, ce qui est un atout majeur dans notre monde moderne.

En effet, les nouvelles trajectoires familiales (familles recomposées ou éclatées, besoins des jeunes générations, allongement de la durée de vie,..) traduisent sur le plan patrimonial des impératifs. Une transmission, quelle qu’en soit la forme (donation ou succession), associe différents membres de la famille et le recours à une société permettra d’organiser les rapports entre tous.

La société civile permettra notamment :

  • d’échapper aux règles de l’indivision : dans le cadre d’une acquisition directe, en principe l’unanimité est la règle pour toutes les décisions de gestion du bien. La société civile permet d’organiser les pouvoirs et les droits financiers.
  • de mieux gérer l’après transmission par une organisation des relations entre les différents protagonistes, d’abord entre parents et enfants et uniquement entre les enfants par la suite ;
  • de rendre divisible un bien qui ne l’est pas aisément par nature ;
  • de cumuler les capacités de financement entre associés et de réaliser des investissements plus importants (immeuble, bureaux) ;
  • de concentrer la charge fiscale au niveau de la société et de mieux la répartir entre les associés ;

Inconvénients de la société civile

Pourtant, une société civile n’est pas la solution absolue.

Déjà, sa constitution implique des coûts. De plus, elle engendre des d’obligations administratives, comptables et fiscales ce qui n’est pas le cas de la détention en nom propre (en direct en tant que particulier). En effet, la SC doit généralement tenir une comptabilité. Celles soumises à l’impôt sur le revenu peuvent se contenter d’une comptabilité de trésorerie. Les autres doivent tenir une comptabilité commerciale complète en partie double.

Une déclaration de résultats, plus ou moins complexe selon le régime fiscal (IR ou IS), doit être complétée et envoyée chaque année à l’administration fiscale. Enfin, le fonctionnement d’une SCI génère un formalisme juridique assez lourd. Chaque année, il faut convoquer les associés en assemblée générale et les faire statuer sur les comptes de l’année. La réunion donne lieu à l’établissement d’un écrit : un procès-verbal d’assemblée générale.

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée si vous décidez de loger votre résidence principale dans votre SCI. En effet, vous perdrez certains avantages civils et fiscaux dont vous bénéficiez en cas de détention en direct. Ainsi le conjoint peut-il perdre, s’il n’est pas associé, le bénéfice de la protection sur le logement familial (droit viager et temporaire). L’abattement de 30 % en matière d’impôt sur la fortune immobilière et celui de 20 % en matière de droits de succession sont également perdus.

Enfin, le recours à une SCI doit être écarté si vous envisagez de choisir de louer votre bien en meublée.

Une société civile répond à des objectifs familiaux et patrimoniaux bien précis. N’hésitez pas à contacter votre Conseiller en Gestion de Patrimoine. Il pourra vous accompagner dans la gestion de vos sociétés civiles.

En un clin d’œil

Société civile immobilière à l’IR ou à l’IS ?

Attention :

L'option pour l'IS offre un intérêt certain en phase de détention du bien. Cependant, à la sortie et en cas de cession du bien, cette option pourra s'avérer pénalisante. N'hésitez pas à prendre conseil pour vous faire accompagner afin de bien mesurer les conséquences si vous souhaitez choisir l'IS.

Actualités fiscales

Déclaration d’impôt 2021 : ne cédez pas aux sirènes de la facilité !

Depuis 10 ans, l’administration fiscale agit afin de vous simplifier la vie. Et depuis l’an dernier, 2/3 des contribuables peuvent bénéficier de la déclaration automatique. Ces derniers pourraient désormais donc penser que le printemps n’est plus synonyme de déclaration de revenus. Attention, que vous continuiez ou non à déclarer vos revenus, il est impératif de ne pas céder aux sirènes de la facilité. Il sera toujours nécessaire d’être proactif afin de vous assurer que vous avez bien fait valoir l’ensemble de vos droits et, le cas échéant, bénéficier des dispositifs fiscaux plus intéressants que ceux appliqués de plein droit. Tour d’horizon des quelques points qui ont retenu notre attention.

Gare à la déclaration automatique

La déclaration automatique permet de simplifier les obligations déclaratives des salariés ou des retraités qui perçoivent des revenus que l’administration fiscale a pré-saisis dans leur déclaration d’impôts. Cependant, cette validation tacite des revenus ne vous permet pas de bénéficier d’avantages fiscaux. Ainsi si vous avez réalisé en 2020 des dépenses ouvrant droit à des réductions ou des crédits d’impôt (Pinel, emploi à domicile, dons…), vous devez effectuer une déclaration afin que l’avantage fiscal soit bien pris en compte.

Autre point de vigilance : l’absence de souscription d’une déclaration vaudra confirmation de l’exactitude des informations dont dispose l’administration. Autrement dit, la responsabilité incombe au contribuable. En cas d’erreur ou d’oubli d’un revenu susceptible d’augmenter le montant de votre impôt, vous risquez d’avoir un redressement fiscal. Cependant, à l’expiration du délai de déclaration, vous avez toujours la possibilité de souscrire une déclaration rectificative ou d’effectuer plus tard une réclamation.

Vérifiez vos plafonds épargne retraite

Les informations transmises par l’administration peuvent être erronées en raison d’une méconnaissance déclarative de la part des contribuables et d’une certaine complexité dans les calculs.

Les plafonds de déduction indiqués par l’administration fiscale sur les avis d’imposition peuvent être erronés. Cela peut être le cas lorsque l’administration ne dispose pas de l’ensemble des informations vous concernant, notamment si vous êtes retraité, si vous avez des personnes à charge (le plafond dont dispose le mineur peut être erroné) ou si vous êtes non-salarié.

Cela peut être également le cas si vous avez omis de déclarer un abondement sur votre PERCO ou un versement sur votre article 83.

Si le plafond indiqué est erroné, vous devez inscrire le plafond de déduction exact sur la ligne 6PS, 6PT ou 6PU. Si le plafond épargne retraite mentionné dans votre dernier avis d’imposition est manquant ou erroné, vous devez le corriger à cet emplacement.

Le plafond de déduction est individuel pour chaque membre du foyer. Cependant, si vous êtes soumis à une imposition commune, il est possible de mutualiser les plafonds entre conjoint et pacsés. Attention l’administration ne fait pas le cadeau d’elle-même : vous devez cocher la case 6QR. En retenant cette option, les plafonds de déduction sont alors additionnés.

Revenus de capitaux mobiliers : le prélèvement forfaitaire unique n’est pas impératif

Si vous avez perçu des dividendes, des intérêts ou des plus-values de cession de valeurs mobilières en 2020, ils seront imposés de plein droit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Cependant, vous avez la possibilité d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (après application d’un éventuel abattement en fonction de la nature de vos revenus) auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %, si l’imposition vous paraît plus favorable.

Pour rappel, c’est lors du dépôt de la déclaration d’impôt que le contribuable doit choisir entre le PFU et l’option globale pour l’imposition au barème progressif de l’IR (case 2OP de la déclaration 2042) pour l’imposition de l’ensemble des revenus et gains entrant dans le champ d’application du PFU (dividendes, intérêts, plus-values mobilières, etc.). L’option globale est indépendante de l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire de l’assurance-vie.

Revenus de la location meublée : opter pour le réel

Si le montant des loyers - charges comprises - que vous percevez ne dépasse pas 72 600 € pour les revenus 2020 déclarés en 2021 (70 000 € pour les revenus 2019 déclarés en 2020), vous pouvez opter pour le régime micro-BIC ou pour le régime réel.

Une déclaration très simple

Le régime micro a le mérite d'être extrêmement simple puisqu'il vous suffit d'indiquer le montant des recettes perçues au cours de l'année sur votre déclaration de revenus générale (imprimé n°2042 C PRO) dans la rubrique « Bénéfices industriels et commerciaux ». Les recettes s'entendent du loyer et des charges, c'est-à-dire toutes les sommes que vous percevez de vos locataires.

L’administration fiscale applique ensuite un abattement forfaitaire de 50 % et vous n'êtes donc imposé que sur 50 % de vos recettes. Le taux d'imposition dépend alors de votre taux marginal d'imposition, c'est-à-dire du montant total de vos revenus. Corrélativement, vous ne pouvez déduire aucune charge (intérêts d'emprunt, travaux, réparations...). Ce régime est donc intéressant si vos charges déductibles sont inférieures à 50 %.

Au-delà, le régime réel est plus attractif. Pour ce faire, vous devez opter pour ce régime. L’avantage est de pouvoir déduire certaines charges et d’amortir le bien ce qui permet d’avoir un résultat fiscal nul.

Ce régime est nécessairement plus complexe que le micro-BIC puisque vous devez tenir une comptabilité et établir un plan d'amortissement. En outre, d'un point de vue fiscal, vous devez remplir une déclaration n° 2033 comportant un bilan, un tableau des immobilisations et amortissements et un relevé des provisions.

Paroles d’expert

Marché de l’art : un marché qui s’adapte pour traverser les crises ?

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Afflux de liquidités sur les marchés financiers, recherche de diversification des investisseurs : l'art a-t-il joué son rôle de valeur refuge cette année ?

Oui c’est une constante, le marché de l’art traverse les crises. En 2020, Sotheby’s a pu constater un volume de transactions important s’élevant à 5.2 milliards $. En effet, l’art ne se démode pas. Il y a peu de risque de se tromper, surtout si on achète une œuvre de qualité et il existe des critères objectifs qui permettent de définir cette notion.

Cependant, on ne peut pas comparer l’art à un actif classique tel que l’immobilier ou des titres de société. L’art constitue une classe d’actifs à part entière. Les œuvres d’art n’ont pas de valeur intrinsèque, elles sont peu liquides ; une œuvre d’art est unique.

Par ailleurs, le marché de l’art reste imprévisible. Certaines catégories comme le mobilier XVIIIe avait le vent en poupe dans les années 20/30 alors qu’il n’a plus vraiment la cote aujourd’hui. A l’inverse, certains artistes comme Giacometti et Calder semblent incontournables et font encore partie des artistes les plus importants.

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Comment avez-vous fait pour continuer à susciter l'attrait des investisseurs ?

L’année 2020 a été une année difficile mais enrichissante. Il a été indispensable pour Sotheby’s de s’adapter et de se réorienter même si nous disposions déjà d’une bonne expérience de la digitalisation. Nous avons revu le calendrier de nos ventes et nous nous sommes réorganisés. Nous avons multiplié les ventes en ligne : en 2020, 70 % de nos ventes ont été faites en ligne, ce qui a été un record. Nous avons également multiplié les ventes de prestige et de collectionneurs (évènements organisés autour d’une personnalité ou d’une catégorie). Enfin, nous avons innové dans nos supports de communication : nous avons mis en place des catalogues multimédias, réalisé des projections d’œuvres, travaillé la refonte de notre site Internet et fait des ventes en live stream en retransmettant en direct sur écrans nos ventes aux enchères vers New York, Hong Kong et Paris depuis Londres.

Cependant, le digital peut connaître certaines limites : c’est pourquoi Sotheby’s a lancé un nouvel outil avec la fonction de réalité augmentée permettant aux collectionneurs de projeter dans leur salon l’œuvre de leur choix et ainsi en apprécier les proportions.

Par ailleurs, certains clients, au-delà d’un certain montant, peuvent avoir besoin d’être rassurés ; on peut dire qu’en matière d’art, il existe aussi un plafond de verre. C'est pour cette raison que Sotheby’s propose de coupler achat en ligne et présence par téléphone.

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Difficultés de circulation des personnes et des objets : doit-on craindre une relocalisation du marché ?

Le marché de l’art est International et s’ouvre à de nouveaux acheteurs. Chez nous, on permet que des enchérisseurs basés dans 60 pays puissent être présents en même temps lors d’une vente ligne.

New-York reste toujours la première place dans le marché de l’art, suivent derrière Londres, Hong Kong et Paris. Sotheby’s, en tant que groupe mondial, a regardé de près l’évolution du Brexit. Toutefois, nous n'envisageons pas de changements à grande échelle de notre activité au Royaume-Uni. La grande majorité des acheteurs et des vendeurs qui effectuent des transactions avec nous à Londres sont basés hors de l'Union européenne, et pour eux, c'est le statu quo, sans aucun changement prévu.

L’année 2021 promet d’être une année très excitante avec de très belles ventes en perspective. Les œuvres d’exception continuent à voyager et à être exposées dans différents pays à travers le monde avant d’être mises en vente. C’est ce qui s'est passé pour le tableau de Van Gogh, œuvre inédite sur le marché provenant d’une collection française, qui aura voyagé dans plusieurs pays avant d’être mis en vente à Paris.

Pierre Mothes, Vice-Président de Sotheby’s France