François Aurouze
Expert Foncier et Agricole

Gestion Patrimoine
Groupama

Décryptage

Impôt sur la fortune immobilière : que faut-il déclarer ?

Le rapport de la Cour des comptes1, publié le 25 janvier 2024, dont ces chiffres sont issus, souligne que « les règles d’assujettissement à l’IFI restent toutefois peu aisées à comprendre par les contribuables et peuvent générer des incertitudes juridiques ».

Les règles ne sont effectivement pas simples à comprendre et les biens pas toujours faciles à évaluer. Pour autant, il incombe au particulier de remplir sa déclaration d’IFI et l’administration fiscale s’est dotée de nouveaux moyens de contrôle et de nouvelles sanctions (cf. « Actualités fiscales » ).

Si le patrimoine immobilier de votre foyer fiscal dépasse une valeur nette taxable de 1 300 000 €, vous êtes, en principe, imposable à l’IFI.

Hormis les cas où le législateur a fixé des bases d’évaluation, les biens doivent être déclarés par le contribuable pour leur valeur vénale au 1er janvier de chaque année. Par ailleurs, seules certaines dettes sont déductibles pour la détermination de votre IFI.

Plusieurs problématiques se posent donc :

Les principaux biens imposables à l’IFI

Biens et droits immobiliers détenus en direct

Les immeubles bâtis ou non bâtis que vous détenez en direct, au même titre que les droits réels immobiliers dont vous êtes titulaire (ex : usufruit, droit d’usage ou d’habitation), entrent dans le champ d’application de l’IFI. Les biens taxables sont évalués d’après leur vénale au 1er janvier de l’année d’imposition. Des règles d’évaluation spécifiques sont prévues dans certains cas de figure. Par exemple, votre résidence principale bénéficie d’un abattement de 30 %, sauf si vous la détenez au travers d’une société civile immobilière. Par ailleurs, l’évaluation d’un immeuble loué doit tenir compte des conditions de location.

L’administration fiscale, consciente de cette difficulté, a mis en place, depuis plusieurs années, le service en ligne Patrim pour permettre au contribuable d’estimer la valeur de ses biens.

Titres de sociétés

Les titres de société que vous détenez sont, en principe, imposables à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers. Il existe cependant plusieurs atténuations à ce principe.

Par exemple, si vous êtes associé d’une société ayant une activité commerciale (type boulangerie) qui détient pour seul bien immobilier ses propres locaux ou si vous détenez une participation minoritaire (moins de 10 %) dans une société ayant une activité exclusivement commerciale, vos participations dans ces sociétés ne seront pas prises en compte dans la détermination de votre IFI.

Attention, les règles de prises en compte des dettes de société dans la détermination de la base imposable à l’IFI ont été modifiées par la loi de Finances pour 2024 pour mettre fin aux montages consistant à diminuer la valeur des titres par la création de passif sans rapport avec l’immobilier imposable (cf. « En un clin d’œil » ).

Contrats d’assurance vie et de capitalisation

Les contrats d’assurance vie rachetables ou de capitalisation sont imposables à l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur de rachat au 1er janvier représentative des actifs immobiliers imposables comprise dans certaines unités de compte (exemple : parts de SCPI ou d’OPCI).

Si vous détenez un contrat d’assurance vie et que vous avez investi sur un support immobilier, il conviendra de vous rapprocher de votre assureur pour qu’il vous communique la fraction imposable.

Plan d'épargne retraite (PER)

Le PER peut prendre la forme d’un compte-titres (PER bancaire) ou d’un contrat d’assurance vie (PER assurantiel). Pour vérifier cet élément, il faut regarder s’il y a ou non une clause bénéficiaire.

Il est possible de détenir via un PER des fonds (parts ou actions de sociétés ou unités de compte) selon qu’il s’agit d’un PER bancaire ou d’un PER assurantiel, éligibles à l’assiette de l’IFI.

Si le PER prend la forme d’un compte-titres, il est toujours soumis à l'IFI dès lors que le compte-titres contient une part d'actifs entrant dans les assiettes de cet impôt, le caractère rachetable ou non étant inopérant2.

Si le PER prend la forme d’un contrat d’assurance vie, complexité supplémentaire puisqu’il faudra déterminer au préalable s’il est ou non considéré comme rachetable. Ce n’est que dans ce dernier cas qu’il sera imposable à l’IFI (dans les mêmes conditions que l’assurance vie).

Zoom sur les biens démembrés

En principe, les biens démembrés sont pris en compte pour leur valeur en pleine propriété dans le patrimoine de l'usufruitier imposable à l’IFI sans qu’aucun abattement au titre du démembrement ne soit possible. Le nu-propriétaire, quant à lui, n’a rien à déclarer à l'IFI.
Il existe néanmoins plusieurs exceptions à ce principe. Notamment, lorsque le démembrement résulte de l’usufruit légal du conjoint survivant, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont imposés séparément selon la valeur de leur droit respectif déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier (barème forfaitaire prévu à l’article 669 du CGI). En revanche, si le conjoint survivant détient l’usufruit d’un bien imposable à l’IFI du fait d’une donation au dernier vivant, seul l’usufruitier est imposé pour la valeur du bien en pleine propriété.

Attention :

Lorsque le conjoint survivant occupe la résidence principale au titre de son droit temporaire au logement, il échappe à l’IFI (ce droit n’étant ni cessible ni transmissible). Les héritiers propriétaires du bien devront prendre en compte ce bien pour la détermination de leur IFI mais pourront bénéficier de l’abattement de 30 % prévu pour la résidence principale.

Les principaux biens exonérés d’IFI

Certains biens peuvent être exonérés d’IFI de manière totale ou partielle.

Les biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle

Les biens affectés à l’exercice de votre activité professionnelle (activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale), qu’ils soient détenus en direct ou par l’intermédiaire d’une SCI, peuvent être intégralement exonérés d’IFI. Attention, les conditions d’application de cette exonération diffèrent selon les modalités de détention de l’immobilier et d’exercice de votre activité professionnelle. Par ailleurs, si vous détenez des biens à usage mixte (d’habitation et professionnel), vous devez déclarer la partie utilisée à titre privée.

Un changement dans l’exercice de votre activité professionnelle (notamment l’exercice de fonctions de direction), la cession de votre entreprise ou encore votre départ à la retraite peuvent rendre imposable à l’IFI un bien immobilier jusqu’alors exonéré. Si la conservation des locaux professionnels vous permet de percevoir des revenus complémentaires, attention à bien mesurer l’impact au regard de l’IFI : si la conservation du bien vous rend redevable de l’IFI, il faudra que vous pensiez à le déclarer.

Les bois et forêts et parts de groupements forestiers

Lorsque les biens professionnels ne sont pas qualifiés et à certaines conditions, notamment l’engagement d’appliquer une des garanties de gestion durable pendant 30 ans, ces biens peuvent bénéficier d’une exonération partielle d’IFI à hauteur de 75 % de leur valeur.

Ce type de biens peut être recherché pour continuer à investir dans l’immobilier tout en limitant la base taxable à l’IFI.

Les biens ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible et les parts de groupements fonciers agricoles

Lorsqu’ils ne sont pas considérés comme des biens professionnels, ces biens peuvent, à certaines conditions, bénéficier d’une exonération partielle de 75 % de leur valeur jusqu’à 101 897 €, puis de 50 % au-delà.

Les grands principes de déductibilité des dettes

L’IFI s’applique sur le montant du patrimoine net taxable, c’est-à-dire après déduction des dettes.
En principe, les dettes afférentes à un actif imposable, existantes au 1er janvier et supportées effectivement par le redevable de l’IFI, sont déductibles.

Remarque :

La déduction est, en principe, proportionnellement limitée à la fraction de valeur imposable de l’actif concerné. Par exemple, si les bois et forêts détenus bénéficient d’une exonération de 75 % de leur valeur, l’emprunt3 d’acquisition de ces biens ne pourra être déduit qu’à hauteur de 25 % de son montant. Par exception à ce principe, la dette afférente à la résidence principale est déduite en intégralité (malgré l’abattement de 30 %) mais dans la limite de la valeur imposable de la résidence principale. Ainsi, pour une résidence principale de 300 000 € et une dette afférente de 100 000 €, la résidence sera retenue pour une valeur de 210 000 € et la dette intégralement déductible. Au contraire, pour une résidence principale de 300 000 € et une dette afférente de 250 000 €, la dette ne sera déduite qu’à hauteur de 210 000 €.

Seules certaines dettes, énumérées limitativement par la loi, sont déductibles de l’IFI. Il s’agit :

Attention, certaines dettes peuvent pour autant ne pas être déductibles en raison de la qualité du prêteur. Ainsi, pour illustration, les prêts contractés par le redevable auprès de son conjoint, directement ou par l’intermédiaire d’une société, ne sont pas déductibles. De même, les prêts souscrits, directement ou indirectement, par le redevable (ou un membre de son foyer fiscal) auprès d’un ascendant, descendant ou frère et sœur d’un membre du foyer fiscal ne sont pas déductibles sauf à justifier du caractère normal des conditions de prêt.
Lorsque le patrimoine taxable est supérieur à 5 millions d'euros et que le montant des dettes excède 60 % de cette valeur, la fraction des dettes excédant cette limite n'est déductible qu'à hauteur de 50 % de cet excédent.

Les règles d’assujettissement à l’IFI sont complexes. N’hésitez pas à contacter votre Conseiller en Gestion de Patrimoine. Il pourra vous guider pour déclarer correctement cet impôt.

1 Rapport de la Cour des comptes « Observations définitives – L’Impôt sur la Fortune Immobilière (Exercices 2018-2022) » publié le 25 janvier 2024

2 Cf. Réponse ministérielle Malhuret publiée au JO Sénat le 9 février 2023

3 Plus précisément, le capital restant dû au 1er janvier, les intérêts échus et non payés au 1er janvier et les intérêts courus au 1er janvier sont déductibles.

En un clin d’œil

IFI et SCI : quelles dettes déductibles ?

Désormais, que vous déteniez votre bien immobilier en direct ou via une SCI, les règles de déductibilité des dettes sont harmonisées afin d’éviter les montages d’optimisation consistant à gonfler le passif des SCI.

Dorénavant, les dettes contractées par la société qui ne sont pas afférentes à un actif imposable à l’IFI ne seront pas prises en compte dans la valorisation des titres. Toutefois, un double plafonnement de la valeur de titres à retenir est fixé. Ainsi, malgré la restriction de la déductibilité des dettes, la valeur des titres retenue pour déterminer votre IFI ne peut pas être supérieure à la plus faible des deux valeurs suivantes :

Ainsi, suite à la réforme, la base imposable à l’IFI, dans cet exemple précis, est identique que Monsieur Dupont détienne le bien en direct ou via une SCI.

Actualités fiscales

Déclaration d’impôt 2024 : gare aux contrôles fiscaux !

Dans la continuité du plan global de lutte contre la fraude fiscale1 présenté par le Gouvernement en mai 2023, la loi de finances pour 2024 comporte plusieurs mesures relatives au contrôle fiscal et à la lutte contre la fraude. Leur objectif est de renforcer les moyens de détection des fraudes et de mettre en place de nouvelles sanctions.

Tour d’horizon des principaux dispositifs visant le particulier et ses conseils (avocat…) qui ont retenu notre attention.

Les nouvelles obligations déclaratives en cas de cessions de parts de société à prépondérance immobilière

À compter du 1er janvier 2024, les actes et déclarations relatifs aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière doivent comporter de nouvelles mentions. Cela permet ainsi à l’administration fiscale de déterminer plus facilement le régime applicable aux cessions concernées tout en assurant sa capacité à les contrôler ensuite.

Le renforcement du droit d’enquête sur internet et sur les réseaux sociaux

Pour rappel, la loi de finances pour 2020 avait mis en place un dispositif expérimental pour une durée de 3 ans autorisant l’administration fiscale à collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés les contenus librement accessibles publiés sur Internet par les utilisateurs de plateformes en ligne afin de détecter les comportements frauduleux. Les plateformes en ligne concernées étaient les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn...) et les sites de vente en ligne (Le Bon Coin, Vinted, Ebay...).

Cette expérimentation est prolongée de 2 ans par la loi de finances pour 20242.

Par ailleurs, dorénavant, certains agents des impôts peuvent mener en ligne et sous pseudonyme des enquêtes ciblées « actives ». Ces enquêtes ne peuvent porter que sur certaines infractions, notamment, l’insuffisance de déclarations délibérées ou le défaut de déclarations de comptes ou contrats d’assurance vie. Les agents des impôts peuvent utiliser des contenus qui ne sont pas manifestement rendus publics par leurs auteurs (même si cela nécessite l’ouverture d’un compte sur des réseaux sociaux par exemple) ou encore participer, sous pseudonyme, à des échanges électroniques avec des contribuables.

Parmi les mesures renforçant les sanctions, sont prévues la création d’une peine complémentaire et la création d'un délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale.

La création d’une peine complémentaire en cas de fraude fiscale aggravée, recel de fraude fiscale ou blanchiment

En cas d’infractions commises à compter du 1er janvier 2024, les contribuables reconnus coupables de fraude fiscale aggravée, recel de fraude fiscale ou blanchiment pourront dorénavant être privés des droits à réductions et crédits d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière pour une durée maximum de 3 ans.

La création d’un délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale

Ce délit, visant les promoteurs de schémas de fraude fiscale, est caractérisé par la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques et fiscaux, comptables ou financiers afin de permettre à un tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement de l’impôt.

Il est puni de 250 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement. La peine est toutefois portée à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende si la mise à disposition est commise en utilisant un service de communication en ligne.

Mais aussi une mesure d’élargissement des intérêts moratoires en cas d’erreur de l’administration :

Pour garantir un traitement équitable à tous les contribuables confrontés à une erreur de l’administration, les intérêts moratoires seront désormais dus en cas d’erreur de l’administration même en l’absence de procédure contentieuse.

1 Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023

2 Cette mesure ne rentrera en vigueur qu'après la parution d'un décret d'application.

Paroles d’expert

Le métier d'expert foncier & agricole : un regard avisé sur la valorisation des vignes

François Aurouze, expert foncier et agricole à Cabrières d'Aigues dans le Vaucluse, nous fait découvrir son métier et nous partage son expérience.

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Quel est votre parcours (formation, diplôme, expériences professionnelles) ?

Après avoir été diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole), j’ai eu l’occasion de suivre une formation de viticulture-œnologie dont j’ai été titularisé en 1992.

Par la suite, j’ai suivi la formation pour être expert foncier et agricole ; j’exerce ce métier depuis une quinzaine d’années. J’interviens sur un secteur géographique assez étendu, soit une grande moitié du sud de la France : 80 % en PACA, 10 % dans le Languedoc-Roussillon et 10 % dans le secteur bordelais, sud-Bourgogne et externalisation.

En parallèle, je suis viticulteur ; j’ai d’ailleurs eu la chance de pouvoir reprendre l’exploitation familiale dans le département du Vaucluse (84).
A ma reprise de cette exploitation, j’ai souhaité développer un nouveau modèle de mise en valeur : en effet, mes parents avaient suivi le chemin plutôt classique d’une livraison en coopérative en vrac ; là où j’ai souhaité créer une vraie unité de vinification (autre modèle de mise en valeur pour l’exploitation).

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En quoi consiste votre métier d’expert foncier et agricole ?

Un expert foncier est un professionnel chargé de réaliser des missions d’expertises en matière foncière et agricole sur les biens d'autrui, meubles et immeubles, notamment en évaluant le prix, ainsi que sur les droits qui y sont attachés.. Il en évalue notamment le prix. Cette profession est réglementée par le Code Rural (Article L171-1, alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime).
Pour prétendre à la profession d’expert foncier, il faut s’inscrire au Conseil National de l’Expertise Foncière Agricole Forestière (CNEFAF). Le métier d’expert foncier est l’un des plus réglementés en France.

L’activité principale d’un expert foncier consiste donc à effectuer ce que l’on appelle des missions amiables. En d’autres termes, il intervient dans l’évaluation du patrimoine de son client. L’expert foncier se rend sur un lieu, à la demande de son client ou de l’organisme qui l’a mandaté, pour estimer la valeur des biens présents, qu’ils soient immobilier, agronome ou commercial.
Le rapport d’expertise qu’il rendra devra comporter les calculs et méthodes qu’il a utilisés pour parvenir à cette estimation. Elles doivent toujours être justifiées. Les missions amiables représentent la plus grande partie du travail d’expert foncier. Ce ne sont cependant pas les seules missions dont il est chargé.

Nous pouvons également intervenir dans le cadre de missions judiciaires. L’expert est alors mandaté pour réaliser des expertises qui seront utilisées dans le cadre d’une confrontation dans un tribunal ou d’une enquête. Lorsque l’expert foncier réalise ses expertises, il est tenu de respecter des normes précises. Sur la partie judiciaire, elle est traitée chez nous par 2 experts rattachés auprès de Cour d’Appel qui interviennent par exemple, dans le cadre d’un litige de bail rural avec le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux.

Plus spécifiquement, nous essayons de répondre aux attentes relatives au foncier rural et agricole. Nous mettons notre savoir-faire et notre spécialité en la matière aux services des exploitants agricoles, des experts comptables, des organismes interprofessionnels, des assurances, des notaires…
Nos expertises de la valorisation de fonds agricoles ou de bâtiments, à l’étude des problèmes environnementaux, en passant par des estimations d’indemnité d’éviction ou de fermage, sont réalisées à partir de méthodes éprouvées et conformes aux nombreuses règlementations en vigueur.

Au sein de notre cabinet, nous sommes 6 experts indépendants sachant que chacun a sa spécialité. Nous ne sommes pas très nombreux à intervenir sur la matière de l’expertise du foncier viticole. On travaille à plusieurs sur les dossiers : il peut y avoir des débats sur l'évaluation des valeurs, c'est pourquoi on donne toujours une fourchette (attention, le coup de cœur sur le bien qui peut représenter parfois 20 à 30 % n’est pas valorisé !).

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Comment le prix d’une vigne est-il déterminé ?

Il y a lieu de prendre en compte le secteur géographique. En effet, la région PACA est une région très particulière puisqu’il ne peut être omis ses nombreux attraits résidentiels et/ou touristiques.
À l’origine, étaient prises en compte principalement la valeur intrinsèque des parcelles ainsi que celle du bâti. Puis, au fur et à mesure du temps, nous avons dû nous adapter et nécessairement prendre en compte l’ensemble des éléments incorporels, ce qui est loin d’être évident. En effet, doivent être notamment prises en compte les performances économiques, la marque, la clientèle, la localisation et l’attrait résidentiel.

L’acquisition de vignes est devenue progressivement une diversification patrimoniale et ce, notamment dans la région du PACA. Dans ce contexte, et ce depuis une vingtaine d’années, la demande est nettement supérieure à l’offre. Aussi et dans ce contexte, la valeur d’une vigne s’en est trouvée profondément augmentée… On parle de « survaleur ». À titre illustratif, le bâti de prestige représente 60/70 % de l’ensemble de l’exploitation.

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Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?

Le métier d’expert foncier est un métier exigent qui demande l’acquisition de nombreuses compétences et des qualités essentielles. Outre les nombreuses connaissances qu’il doit acquérir dans des domaines spécifiques (ici, le foncier viticole), il doit avoir la capacité d’être mobile. En effet, il est souvent amené à se déplacer pour remplir ses missions d’expertise.

De plus, il doit savoir se montrer impartial, et développer son esprit d’analyse pour prendre des décisions qui peuvent être difficiles, dans le cadre de sa gestion de conflits.
Enfin, nous nous devons d’être très réactifs car nos sollicitations interviennent, la plupart du temps, dans l’urgence.

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À quels moments intervenez-vous le plus auprès des viticulteurs ?

Il existe particulièrement 2 moments où j’interviens le plus dans ces expertises foncières. Le 1er moment le plus fréquent est celui de l’acquisition. Des investisseurs nous sollicitent beaucoup pour connaître ou avoir une estimation du prix « juste » et ne pas être hors marché.

Le 2nd moment, c’est à l’occasion d’une transmission de patrimoine foncier (tous types de mutations). Généralement, pour éviter tout risque de redressement fiscal, les propriétaires font de plus en plus appel à des experts pour se couvrir d’éventuels risques.
Ces mutations sur lesquelles nous sommes amenés à intervenir sont principalement des reprises familiales.
Ces interventions sont d’autant plus pertinentes car de là vont découler la problématique plus-values (professionnelles et/ou foncières) concernant à proprement parler, leur taxation fiscale.

Le contexte de la transmission patrimoniale a plutôt évolué ces dernières années. Les viticulteurs commencent à s’en préoccuper aux alentours de 45-50 ans ce qui est relativement jeune. Les baux ruraux à long terme et le dispositif du Pacte Dutreil sont des outils très utilisés qui se généralisent de plus en plus.
Dans les faits, la transmission « hors cadre familial » est plutôt très rare et compliqué. Cela concerne principalement les Groupements Fonciers Viticoles (dits GFV) qui bénéficient de grandes appellations, ce qui reste plutôt assez marginal par rapport à nos interventions.

Enfin, l'estimation du foncier représente environ 5 à 10 % de nos dossiers quant à l'assujettissement relatif à l'IFI. Pour précision, nos confrères « urbains » ont davantage de sollicitations sur l’IFI (certains dispositifs propres à l’activité agricole permettant une exonération totale ou partielle au titre de l’IFI).

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Percevez-vous un contexte économique particulier par rapport aux vignes ?

Du côté de Bordeaux, nous avons observé une crise en 2016-2017 ; cela s’est traduit par une baisse des exportations vers la Chine qui s’est conjuguée avec une baisse des ventes dans le secteur des Grandes et Moyennes Surfaces (GMS). Il y a eu une réelle baisse de la consommation de vin rouge (notamment car considéré comme étant un vin lourd par rapport au rosé, plus léger et de ce fait, plus demandé).
À titre illustratif, entre 2017 et 2022, la consommation mondiale de vin rouge a baissé de 20 %. En France, en 5 ans, la consommation de rouge a chuté de 38 %.
Cette crise s’est amplifiée avec la crise du Covid. Cette baisse de consommation de vin rouge a eu des répercussions importantes dans la région bordelaise et s’est étendue dans la Vallée du Rhône : depuis 6 mois, nous voyons un net impact sur l’évaluation des vignes (jusqu’à – 50 %).
Ces importantes pertes s’en ressentent petit à petit quant à l’évaluation du foncier (impacts). Certaines grandes appellations souffrent de ce fait d’un déficit de notoriété. Parfois, le prix à l’hectare de la vigne peut s’en trouver minorer de 50 %... Les micro-appellations s’en trouvent toutefois moins impactées, elles bénéficient toujours d’une forte notoriété.

François Aurouze, Expert Foncier et Agricole
https://www.vignobleconseil.fr/